Laura Thouny | l'Humanité le 7 juin 2011
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Nicolas Sarkozy doit examiner les propositions du député UMP Eric Ciotti, visant à durcir l'application des peines. Un texte "dangereux" selon les magistrats.
Vers un tour de vis sur l'application des peines de prison ? Le député UMP Eric Ciotti doit remettre cet après-midi à Nicolas Sarkozy un rapport destiné à durcir l'exécution des sanctions judiciaires. Un texte expressément commandé par le chef de l'Etat, et qui fait déjà bondir les magistrats.
D'après les comptes du "Monsieur Sécurité" de l'UMP, 80 000 à 89 000 peines étaient en attente d'application fin mars. Pour remédier à l'"insuffisance de notre capacité carcérale", Eric Ciotti propose notamment de créer des places dans "des structures pénitentiaires légères", en utilisant par exemple "d'anciennes emprises militaires" ou "des structures modulaires légères" ou encore "en louant des immeubles privés".
Des mesures "dangereuses"
Le député, auteur en août 2010 d'un texte visant à envoyer en prison les parents de délinquants mineurs, préconise d'abandonner les crédits de réduction de peine (trois mois d'incarcération en moins la première année, deux mois par année suivante) pour "lutter contre le sentiment d'impunité et éviter la démotivation des forces de polices", fait-il savoir au Figaro.
"C'est totalement absurde", s'insurge Mathieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature, interrogé par l'Humanité.fr. "Cette mesure a été votée par l'UMP en 2004. Elle constitue une incitation pour les détenus à se comporter correctement et permet de préparer la réinsertion. La supprimer pourrait être "dangereux", estime-t-il. "Et puis, ça n'a rien d'automatique, contrairement à ce qu'insinue M. Ciotti : le crédit peut vous être supprimé si vous vous comportez mal", ajoute le magistrat.
"Une machine à enfermer "
Parmi l'arsenal sécuritaire prescrit par Eric Ciotti, figure également une remise en cause des aménagements de peine prévus par la loi pénitentiaire de 2009. "Les victimes et plus globalement les citoyens ne comprennent pas qu'une peine prononcée publiquement au nom du peuple français puisse être transformée dans le secret d'un cabinet", écrit le député.
"Les Français ne parlent pas tous par la voix d'Eric Ciotti", fulmine
Mathieu Bonduelle."Ce qui est pernicieux, c'est qu'on laisse entendre que
l'on fait des cadeaux aux gens, alors que l'on décide d'applications des
peines les plus intelligentes possibles". Pour le syndicaliste, la souplesse
de l'application des peines permet surtout d'éviter les nouveaux délits en
accompagnant la sortie de prison, là où le texte de Ciotti représente "une
machine à enfermer les gens et à créer de la récidive".
Nicolas Sarkozy doit dire s'il souhaite faire adopter en urgence ces
propositions, conjointement au texte sur les jurys populaire examiné dans
dix jours à l'Assemblée nationale. Ou si ce rapport va rejoindre l'armada de
dispositions judiciaires reléguées au fond des tiroirs de la majorité.